Publié le 30 Mai 2021
ENFANTS CACHES SCHOAH
La Guerre n'est pas finie... Vivre comme avant (3)
Il faut quitter rapidement Figeac mais avant de partir je dois à la demande de maman écrire à mon père : "papa ne joue pas". J'aimerai tant jouer avec lui.
Ce qui me paraît si dur c'est qu'il ne joue pas avec moi. Avec QUI joue-t-il-?
Ils s'appellent Monte-Carlo et Mona-Co.
Popol reste interne au collège Champollion. Moi marguerite Cordier baptisée catholique, avec l'espérance de faire ma communion privée, d'aller en classe, de ne plus avoir peur, de revoir ma famille doit pour échapper aux rafles être interne au Couvent-École de Massip-Capdenac. Même baptisée ? Je ne comprends pas. Capdenac : oncle Alfred y habite il travaille chez Raynal et Roquelaure. Sa fille ma cousine Lisette, ma mère et grand-mère sont dans un couvent proche de Figeac. Peur des rafles.
Plus tard j'ai su qu'il y avait d'autres perdus éperdus.
Deux Religieuses Mmes Bergon Denise mère Supérieure et Sœur Marguerite Roques sont au courant du secret Juif -Caché ...même baptisé.
Massip : Je suis allée me confesser, l'abbé Kirch -mais toi, tu n'as pas besoin de venir Ah NON je suis baptisée...Es-tu allée dans le verger ? Oui mon père .
Tu as cueilli des fruits -oui mais les prunes étaient vertes..
Tu as été bien punie...Oui j'ai eu très mal au ventre.
-Quelques jours plus tard je fais ma communion privée à Massip.
Je ne suis pas comme les autres et je suis comme les autres.
Nous sommes une horde d'enfants, sous le grand préau rangés 3 par 3 ça fait une longue chenille. Il y a une lointaine cousine qui s'appelle Hélène Müller mais ce n'est pas son nom vrai. Erwin son petit frère est également à Massip chez les "petits" rien dire, pas parler. Je n'ai pas le droit d'être proche d'elle, pourtant elle m'aide à écrire mes lettres à ma mère et lui dit que j'ai tout donné à d'autres élèves en particulier un paquet de sucre apporté par papa.
Quelques lettres retrouvées 57 ans après la guerre jamais envoyées, gardées par la fidèle Sœur Marguerite Roques qui par peur de la censure auraient pu nous faire prendre. Ces lettres ont été publiées par jean-Pierre Guéno auteur (entre autres) de "Paroles d’Étoiles"
Une amie de ma mère a demandé à me voir au parloir elle est venue cacher son petit garçon au couvent et me dit :" Occupe toi bien de Roger", je n'ai jamais oublié le ton employé. Ses yeux, sa voix m'envahissent je suis responsable.
Roger a 5 ans et moi 8 ...le soir je vais le laver, une religieuse passe et pan une baffe "sors de là petite vicieuse"...mais j'ai un frère je sais ce que c'est.
Avec Mme Bergon parfois près du grand mûrier sous les étoiles nous chantions tous ensemble. Je m'imprégnais dans ce qui m'était une merveilleuse prière.
"Ô Nuit qu'il est profond ton silence...
Quand les Étoiles d'or scintillent dans les cieux"...
A Massip la maîtresse aveugle Melle Vincent professeur de musique nous fait faire une gymnastique des bras, des poignets, des mains et ensuite jouer au piano.
Monique est au même cours. Je la retrouverai alors que nous sommes dans la même classe au lycée à Metz...Nous ne nous sommes même pas reconnues.
Il a fallu de nombreuses années pour que le lien se fasse...SECRET bien gardé.
Dans le grand dortoir, Sœur Marguerite Roques réchauffe nos lits avec ce qui est appelé un moine, - Quand je me couche j'attends avec impatience le Marchand de sable qui ouvre au-dessus de la tête des enfants qui le méritent un immense parapluie dont l'intérieur présente de belles images qui font rêver.
En classe je suis déjà avec les "grandes" mais je suis la plus jeune. De 7 ans je passe à 8 ans ma mère ne répond pas à mes lettres. Je découvre l'histoire la géographie, les sciences, le jeu avec les OSSELETS.
J'ignore l'impact du jeu que les osselets vont avoir dans ma vie.
Ça se tisse, ça se trame, ça se structure de manière supra-sensible.
Ce sont les prémices de ce que j'apprendrai bien plus tard: la Science et l'Art de la Géomancie selon l'ordonnancement du déterminisme
De nouvelles élèves arrivent...Je les épie , je devine "tu es J..." Un jour une élève avec laquelle je jouais m'a pris mes osselets, je la mords, elle crie, pleure. je vois la trace de mes dents sur son bras. : c'est Marguerite, c'est Marguerite.
Mme Bergon va sûrement me dénoncer aux allemands c'est ce que je pense.
J'entends "qu'est-ce que tu as fait pour que Marguerite te morde"
Je découvre alors le mot JUSTICE...mais je ne recommencerai pas.
-Un Monsieur vous attend au parloir- je suis dans une sorte de confessionnal je vois le monsieur mais c'est mon papa...Je cours en sortant chercher Mme Bergon elle permet que j'aille près de lui, l'embrasser, le voir, le sentir...
C'est un inoubliable souvenir de si grand Bonheur.
Il m'a apporté une belle pelote de laine blanche, du sucre, du foie gras, pâté.
Mon père viendra me voir une seule fois. J'ai tout donné aux autres.
Ma mère avec tante Emma si jolie, viendront une seule fois aussi.
Parfois j'ai droit à une permission de sortie et je marche de Capdenac jusqu'à Figeac...ça fait environ 7km. Même mon frère se souvient de ma PEUR quand je passais sous le petit pont tout noir pour rejoindre les raccourcis.
Je croyais toujours que les allemands m'attendaient.
Une fois ma mère me dit -je te raccompagne en train...Mme Bergon viendra te chercher-. Je n'en reviens pas. Lorsque nous arrivons au compartiment, deux soldats allemands y sont assis.. Nous nous installons en face d'eux. Muette-Apeurée -Effrayée -Je comprends l'allemand c'est ma 2ème langue maternelle Grand-mère est née à Cologne. Capdenac ! Capdenac ! Tout le monde descend.
Je m'empresse de sortir du train et STUPEUR TERREUR ma mère parle en allemand indiquant aux deux soldats le quai du train qui mène NACH TOULOUSE .
J'ai tellement peur, "ils" peuvent nous prendre. Bouffée de haine envers ma mère.
Je marche liquéfiée et Mme Bergon m’enveloppe de sa cape. Vite- Vite.-
"Tout de suite tout de Suite" c'est ce que j'arrive à peine à articuler.
La carriole que je compare à une calèche tirée par l'âne -petit cheval- Mme Bergon tient les rênes. HUE hue. Retour au Couvent. Pas un mot n'est échangé.
Mme Bergon nous apprend qu'une nouvelle maîtresse va venir de Figeac...
Le jour de son arrivée je me mets au dernier rang. Me connaît-elle d'avant ?
Je la reconnais elle me connaît, elle sait qui je suis. Elle peut me dénoncer.
Je recule et m'enferme dans les cabinets du préau.
Il n'y a pas beaucoup de papier pendu au clou. Je le dirai à la sœur.
Quand je n'entends plus le bruit des sabots en marche, je sors et là une religieuse que l'on appelle"novice" me voit et je dis : > Mme Bergon tout de suite...
Juif pas juif enserrant son poignet, sans la lâcher de peur qu'elle ne me dénonce jusqu'au bureau de Mme Bergon dont je retiens les mots -ma Sœur je n'ai pas à vous dicter votre conduite cette enfant nous est confiée...
Allez priez et réfléchissez-.
La seule pensée qui me vient ...et si elle réfléchit et qu'elle me dénonce...
Nous nous retrouvons Mme Bergon, la nouvelle maîtresse qui sourit et dit à Marguerite Cordier je ne connais que ce nom là. Je me suis jetée sur elle
et l'embrasse de tout mon cœur. Sauvée...sauvée.
Je l'aime, je l'aime. C'est bien plus tard que j’apprendrai qu'elle aussi est à Massip pour les mêmes raisons...
L'Unité Das Reich entoure le couvent. Ce devait être juste après la grande Rafle de Figeac du 12 Mai 1944. Nous devons être très sages et bien prier. Je monte au dortoir chercher un mouchoir : je savais être en faute de ne pas l'avoir sur moi...
Je veux si les allemands me prennent montrer que je suis une petite fille bien élevée avoir et mettre le mouchoir dans ma poche de tablier. Je regarde un instant par la fenêtre un soldat lève son fusil vers moi je me baisse côté mur et à toute vitesse rejoins les élèves. (Je ne dirai pas que c'est moi si les allemands interrogent).
Nous prions, pour nous, nos parents, le couvent, pour que prenne fin la guerre.
Mme Bergon a réuni les élèves. Une grande doit protéger une petite, s'échapper si nécessaire. Ce soir en vous couchant ne quittez pas vos souliers gardez-les au lit. Franchement j'ai désobéi mais j'ai bien écarté les lacets des chaussures pour pouvoir les enfiler vite vite si tel était le cas. Les allemands ne sont pas entrés.
C'est en écrivant dans la revue "Marie-Claire" que j'ai pu retrouver des anciens, anciennes de cette époque tant en France qu'aux États Unis je veux parler de Gisèle à New-Yok dont une amie française venue la voir lui a apporté "Marie-Claire- et du petit Garçon devenu grand de Pensylvanie, dont je me souvenais de la maman employée dans le couvent de Massip où elle pouvait "voir vivre" son tout petit sans être séparés. C'est ainsi que sont venus des grands "Mes Enfants de la Guerre" comme Mme Bergon le disait.
Mme Bergon nous a tous sauvés avec l'aide de l'Abbé Kirch, Sœur Marguerite Roques, Sœur Delclos...Sœur Labrunie, quelques autres. SECRET
J'ai ramené la photographie de l'Arbre des Justes planté à YAD VASHEM L'ARBRE des JUSTES PARMI LES NATIONS* dédié à Denise Bergon Religieuse dont le titre le plus beau disait-elle était Religieuse des Filles de Marie Notre-Dame
-Juste Parmi les Nations,
- Médaille de la Résistance,
- Médaille de la Reconnaissance Française -
-Médaille des Combattants Volontaires,
- Chevalier des Palmes Académiques,
- Chevalier de la Légion d’Honneur.
Mme Marguerite Roques Religieuse reconnue JUSTE PARMI LES NATIONS
Ces journées de "souvenirs" ont eu lieu tout à côté de Massip près de la Diège que Mme Bergon aimait tant avec son expression la Diège Glacée.
Nous quitterons MASSIP en JUILLET 1944. Le couvent ferme.
La Guerre n'est pas terminée-
Je connaîtrai une autre Famille jusqu’après la Libération à ISSEPTS chez
Mr et Mme Poulet chez laquelle j'ai tant appris .
Interdiction d'aller à l'école La Guerre n'est pas Terminée...Rien dire au village
Retour à FIGEAC octobre 1945
Retour à METZ septembre1946
Je connaîtrai bien d'autres familles, d'autres écoles...
L'AMOUR de VIE EXEMPLAIRE TRANSMIS qui m'a fait découvrir la FOI
Suite et fin en cours...